La Chapelle de Charné

La chapelle Notre-Dame de Charné

Le sanctuaire de Charné est construit au carrefour d’anciennes voies romaines à l’emplacement d’un premier oratoire dédié à la Vierge hérité du passage de l’ermite saint Ernier, venu d’Aquitaine et missionné par saint Innocent, évêque du Mans, pour évangéliser la population au VIe siècle (le diocèse du Mans en fait mémoire le 11 septembre, puis celui de Laval le 9 août, jour de sa mort). Il faut néanmoins attendre le milieu du XIIe siècle pour que les archives attestent de l’existence de l’église paroissiale, lors de son rachat par l’évêque du Mans. En effet, Guillaume de Passavent en offre le patronage à son chapitre du Mans, don confirmé par le pape Alexandre III.  Cette première église, qui existait au moins avant le XIe siècle, est totalement reconstruite dans les premières décennies du XIIIe siècle. A la nef – qui se termine par un chœur à chevet droit – viennent s’ajouter un transept surmonté d’une tour-clocher en son centre. Des percées gothiques, puis au XVe siècle, des fresques, viennent compléter le décor roman. L’église accueille de magnifiques retables du XVIIe siècle, dont celui de la Vierge de Charné. Elle perd son statut d’église paroissiale en 1697, et sa nef est détruite, lorsque la nouvelle église d’Ernée, placée sous le vocable de Notre-Dame de l’Assomption, est édifiée sur l’emplacement de l’ancien château féodal car plus proche de la ville. Après les temps tourmentés de la Révolution, la chapelle est vouée à la ruine. C’était sans compter sur le dévouement d’une humble servante d’Ernée, Anne Vauloup, qui rassemble ses maigres économies pour la racheter, ainsi que le cimetière qui l’entoure, en 1808. Elle en fait don aux pauvres du Bureau de Bienfaisance d’Ernée et la restitue au culte catholique, ne demandant en retour qu’un seul caveau pour son inhumation. Lors de la Restauration, les dépouilles de trente-six victimes de la Révolution guillotinées en mars 1794, dont celles des Bienheureuses Françoise Tréhet et Jeanne Véron, Sœurs de Notre-Dame de la Charité d’Evron, (fêtées le 13 mars), sont inhumées sous la croisée du transept. Une coutume toujours ancrée de nos jours veut qu’on amène faire leurs premiers pas sur l’emplacement de leur sépulture les enfants qui tardent à marcher, après les avoir placés sous l’assistance maternelle de Notre-Dame de Charné. Une note de l’abbé Germond, vers le milieu du XIXe siècle, nous rapporte ainsi le fait suivant au sujet d’un jeune homme valétudinaire, rappelé à Dieu à vingt-sept ans :

« L’enfant avait de quatre à cinq ans et n’avait pu jusqu’alors marcher : il ne pouvait faire seul deux ou trois pas. L’enfant était intelligent, et il avait souvent entendu dire à sa mère qu’elle le porterait à la Chapelle de Charné et que la Sainte Vierge le guérirait [….]. Il n’y avait qu’un instant que l’enfant priait, comme on le lui avait recommandé, qu’il se lève et court vers sa mère en lui criant : ‘‘Maman, je suis guéri ! ‘‘. L’enfant revient seul avec sa mère depuis la Chapelle jusqu’à sa maison – environ deux kilomètres – et depuis, il a toujours bien marché ».

 

Pour un complément d’information, lire la monographie de Dom Charles Le Coq, Notre-Dame de Charné, Leguicheux, 1913.

Notice réalisée par Corentin Poirier Montaigu


La statue de Notre-Dame de Charné

Bien que l’histoire ne nous a laissé ni le nom du sculpteur ni la date à laquelle il l’a réalisée, la statue date, selon toute vraisemblance, de la fin du XIIIe siècle. D’un mètre trente de hauteur, elle est en chêne massif. Henri Chardavoine (dans son ouvrage sur les Madones du Bas-Maine) la décrit en ces mots :

« d’après l’attitude de la Vierge, le drapé des vêtements, la rusticité de la présentation, elle paraît être une œuvre artisanale de la fin du XIIIe siècle ou, tout au moins, une copie fidèle d’une statue de cette époque. Les visages assez anguleux de la Vierge et de l’Enfant, encadrés par une abondante et rigide chevelure noire donnent aux personnages une expression sévère […] mais il se dégage de cette statue une forte impression à la fois d’autorité et de bonté qui s’allie au cadre austère et paisible de la chapelle et du vieux cimetière. Les attributs portés par les personnages semblent par ailleurs confirmer ce sentiment, car Marie tient dans sa main le sceptre, symbole de la puissance, et l’Enfant Jésus le globe surmonté de la croix, image de la Rédemption ».

Sauvée lors de la Révolution par un dénommé Le Nicolais qui la cache durant trois années dans un tonneau, la statue est rendue au culte en 1810 et regagne son écrin originel à Charné bien qu’elle fut installée quelques années au XIXe siècle dans l’église Notre-Dame de l’Assomption.

En 1885, le curé Lefebvre, qui rétablira également en 1898 la confrérie du Rosaire, instaure la Congrégation des Enfants de Marie, notamment chargée de la garde d’honneur de la statue, qu’on a d’ailleurs dotée d’un costume d’honneur qu’elle revêt aux grandes fêtes, sur lesquels figurent les trois subious, armes de la ville d’Ernée. Pieux témoignage de son attachement à la Mère de Dieu, la congrégation fait installer en 1910 une plaque votive en marbre dans le chœur de la chapelle : « A Marie Immaculée, filial hommage de louange, d’amour et de reconnaissance ».

C’est bien sûr à la statue de Notre-Dame de Charné que nous devons la bienheureuse renommée du sanctuaire, les fidèles se plaçant depuis toujours « sous l’abri de la miséricorde » de la Vierge Marie.

Notice réalisée par Corentin Poirier Montaigu